Le L-QIF : Une nouvelle solution suisse de fonds non réglementés - Aspects juridiques et fiscaux
I. Nouveau Véhicule d'Investissement
Le Limited Qualified Investor Fund ("L-QIF"), est une nouvelle catégorie de fonds d'investissement qui sera introduite dans la loi sur les placements collectifs ("LPCC" ; nouvel article 118a) et devrait entrer en vigueur au plus tôt en août 2023.
Ce nouveau venu non réglementé augmentera l'attractivité de la Suisse en tant que juridiction de fonds et constituera une avancée importante pour faire de la Suisse un centre de premier plan en matière de gestion d'actifs. Réservé aux investisseurs qualifiés, le L-QIF sera une alternative aux véhicules étrangers équivalents, tels que Reserved Alternative Investment Fund ("RAIFs") luxembourgeois. Il devrait également contribuer à promouvoir l'innovation et à renforcer l'attractivité du marché suisse des fonds d'investissement.
Le L-QIF et sa documentation (par exemple le contrat de partnership, les documents de marketing) seront soumis à des exigences réglementaires très souple et aucune autorisation ou approbation par l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers ("FINMA") ne sera nécessaire. Le L-QIF sera rapide à mettre en place et les coûts seront peu élevés.
Sur le plan juridique, le L-QIF n'est pas une nouvelle forme de placement collectif. Il pourra être créé soit sous la forme existante de fonds ouverts, à savoir le fonds de placement contractuel ou la SICAV, soit sous la forme de fonds fermés, comme la société en commandite de placements collectifs. Seuls les investisseurs qualifiés au sens de la LPCC pourront investir dans un L-QIF.
Le L-QIF se veut un produit flexible : aucune limitation ne sera imposée par la loi concernant les possibilités d'investissement ou la diversification des risques. Des limitations découleront probablement naturellement de la gestion des risques et des exigences des investisseurs, mais la flexibilité du L-QIF permettra toujours d'investir dans divers produits et instruments financiers, en fonction de stratégies spécifiques. Il s'agira généralement de placements en <i>private equity</i> et en capital-risque, mais également en sous-jacents plus exotiques, tels que des projets d'infrastructure, des produits de luxe, de l'art, du vin, etc. Pour les fonds ouverts, tels que les fonds de placement contractuels et les SICAV, il sera également possible d'investir dans l'immobilier.
Bien qu'il ne soit pas directement supervisé par la FINMA, le L-QIF n'est ouvert qu'aux investisseurs qualifiés et doit être géré par une institution financière autorisée et supervisée par la FINMA (comme les banques, les gérants de fortune ou les administrations de fonds). Les structures ouvertes (fonds de placement contractuels et SICAV) devront avoir une banque dépositaire qui est, par nature, soumise à la surveillance de la FINMA. Le L-QIF sera également soumis à un audit annuel.
II. Aspects de Fiscalité Directe Suisse
Sur le plan fiscal, le L-QIF bénéficiera du traitement fiscal applicable aux placements collectifs de capitaux en Suisse, qui consiste en une approche par transparence fiscale et qui s'appliquera au L-QIF de la même manière qu'il s'applique aux autres véhicules fiscalement transparents, réglementés par la LPCC.
En ce qui concerne en particulier le L-QIF immobilier, il bénéficiera du même régime fiscal attractif (voir ci-dessous A. (v) et B. (iii)).
En résumé, les règles d'imposition pour les actionnaires seront les suivantes :
A. Impôts Directs sur le Revenu et la Fortune
(i) Les paragraphes suivants ne concernent que les L-QIFs et actionnaires basés en Suisse.
(ii) En tant qu'entité totalement transparente sur le plan fiscal, le L-QIF suisse ne sera pas soumis à l'impôt sur le bénéfice et sur le capital des personnes morales.
(iii) Les parts du L-QIF représenteront un élément de fortune imposable et seront imposées au niveau de chaque investisseur en tant que détenteur de parts.
(iv) Les revenus générés par le L-QIF seront imposables au niveau de chaque investisseur en tant que détenteur de parts. Les gains en capital réalisés au niveau du L-QIF ne seront pas imposables au niveau de chaque investisseur s'ils sont dûment et distinctement comptabilisés comme tels dans le L-QIF.
(v) Comme pour les autres véhicules d'investissement, une exception à la transparence fiscale existera pour les L-QIF qui détiennent des biens immobiliers en direct, en Suisse ou à l'étranger. Dans ce cas, seul le L-QIF sera imposable sur les revenus immobiliers et la fortune immobilière suisses, à l'exclusion des investisseurs. Les distributions de revenus immobiliers aux investisseurs résidant en Suisse ne seront donc pas soumises, dans leur chef, à l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice. Les investisseurs ne subiront pas non plus l'impôt sur la fortune au pro rata des actifs immobiliers du fonds. De nouvelles dispositions seront introduites dans la loi fédérale sur les impôts et dans les lois fiscales cantonales correspondantes, afin d'assurer l'applicabilité de ces principes fiscaux au L-QIF.
(vi) Les états financiers du L-QIF devront comptabiliser avec précision les gains en capital et les revenus immobiliers, afin que le traitement fiscal favorable correspondant s'applique.
B. Impôt Anticipé
(i) Les revenus réinvestis non distribués du L-QIF, de même que les revenus distribués aux résidents suisses et étrangers, seront soumis à un impôt anticipé suisse de 35% ("IA").
(ii) Les distributions et les revenus réinvestis qualifiés de gains en capital au niveau du L-QIF ne seont pas soumis à l'impôt anticipé s'ils sont comptabilisés de manière distincte par le L-QIF.
(iii) Les revenus provenant de biens immobiliers détenus en direct ne seront pas soumis à l'IA lorsqu'ils sont distribués. Par conséquent, en ce qui concerne les L-QIF dont le seul but et la seule activité effective seront de détenir des biens immobiliers, les distributions de revenus seront entièrement exonérées d'IA; en ce qui concerne les résidents étrangers, l'exonération d'IA s'appliquera quel que soit l'État de résidence du bénéficiaire.
(iv) Les états financiers des L-QIFs devront comptabiliser les gains en capital et les revenus immobiliers, afin que le traitement favorable correspondant en matière d'impôt anticipé s'applique.
C. Remboursement de l'IAS
Le remboursement ou l'exonération de l'impôt anticipé, voire les deux, sont possibles dans les cas suivants :
- Les investisseurs résidant en Suisse pourront créditer ou se voir rembourser l'impôt anticipé s'ils déclarent les revenus correspondant dans leur déclaration d'impôt (personnes physiques) ou les comptabilisent dans leurs états financiers (indépendants et personnes morales) ;
- les investisseurs résidant à l'étranger auront droit au remboursement total ou partiel en fonction des conventions de double imposition (CDI) conclues entre la Suisse et le pays de la résidence ;
- les investisseurs résidant à l'étranger pourront également bénéficier d'une exonération totale de l'impôt anticipé dans le cadre de la procédure d'affidavit si au moins 80 % des revenus du L-QIF proviennent d'investissements de source non-suisse et si les investisseurs ne sont pas des résidents suisses.
III. En Conclusion
Dans l'ensemble, les L-QIFs constituent une évolution juridique très attendue qui, cumulée aux atouts traditionnels de la Suisse, soit un système politique et juridique stable et efficace, une fiscalité mesurée et une main-d'œuvre qualifiée, pourra offrir de bonnes opportunités pour structurer certains investissements, notamment dans les secteurs du private equity et du capital-risque.
Par ailleurs, "Bonnes nouvelles pour les groupes suisses !".